ORPHÉE
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Mes tableaux sont des écrans de projection. Surfaces psychotropes, autant de portes ouvertes sur les champs des possibles, champs Elyséens où nos souvenirs sont nimbés de la lumière mystique de l’or.
Je conçois mes peintures comme des portes dérobées vers le jardin secret du spectateur, une collection de souvenirs en trompe-l’œil, d’un passé peuplé de mythes inventés, entretenant la confusion entre les époques, où la geste homérique et l’idôlatrie hollywoodienne sont mises sur un même plan. Mythologies personnelles épinglées, figées sous nos yeux pour toujours dans l’énigme de leur étrange familiarité : figures populaires dont le souvenir fugace est transfiguré par la mise en image sacrée.
Un regard énigmatique, la proportion inattendue d’un portrait, une économie du vocabulaire picturale réduit à l’essentiel, une technique anachronique qui parasite la « reconnaissance » du sujet. C’est dans ce doute, par cette faille dans nos certitudes, que s’opère le dépouillement de notre regard de tout référent culturel pour revêtir enfin l’image regardée d’un sens poétique nouveau. Chacune de mes œuvres est une invitation à la lecture de notre monde intérieur. Un miroir qui renvoie le regard poétique de chacun, plein de questionnante certitude.
Mon travail ne cesse d’interroger le statut de l’œuvre, comme objet-à-regarder. L'image est une construction, un artefact dont la force d'évocation est indissociable du support sur lequel elle prend forme. Ainsi la toile, la planche de bois ou la plaque de métal deviennent des supports signifiants. J’y confronte une imagerie populaire au vocabulaire formel de la peinture d’icône, J’y juxtapose aussi une mythologie universelle à un Panthéon intime. Comme pour illustrer la vision définitivement clairvoyante d’André Breton, la beauté que je cherche à exprimer est convulsive : Orphée est un boxeur italien aux proportions monstrueuses, Eurydice une rubbergirl SM enveloppée de latex, l’ange pensif a le visage d’un souvenir cinématographique de notre enfance, l’Annonce faite à Marie se déroule « hors champs » dans un retable fait de skateboards ...
Le fond d’or vient sublimer le trivial, le trivial vient incarner, donner sa chair à l’icône. Ce va et vient entre le profane et le sacré, renforce l’un et l’autre dans un échange d’énergie à flux continu qui créé un champ de force dont la double et antinomique propriété est de vous attirer et vous tenir à distance. C’est à cette condition électro-magnétique particulière que peuvent s’ouvrir certaines portes qu’on pensait fermées à double tour.
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